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Livret A : quelles conséquences ? (rédigé le 29/08/2012)
Il s’agissait là d’une promesse de campagne du candidat Hollande devenu depuis Président de la République. Le plafond du Livret A et du Livret de développement durable (LDD, ex-Codevi) devait être doublé à respectivement 30 600 € et 12 000 €. L’objectif était alors double, à lire le programme du candidat socialiste : pour le Livret A, favoriser la construction de logements « très sociaux » et pour le LDD, « financer les PME et les entreprises innovantes » (source : Mes 60 engagements pour la France). Cette promesse est en passe d’être tenue, même si le gouvernement a mis un frein au doublement immédiat du plafond du Livret A. Mais quelles seront les conséquences de ces mesures ?
En premier lieu, nous devons évoquer la baisse des recettes fiscales perçues par l’Etat. Un certain nombre de ménages vont ainsi transférer tout ou partie de leur épargne actuellement fiscalisée (« supers-livrets », produits à terme de type monétaire) vers le Livret A qui, lui, ne l’est pas (sur ce dernier point, il aura toutefois fallu attendre une mise au point du Premier ministre, la fiscalisation des intérêts perçus au-dessus des plafonds initiaux ayant été évoquée). Le manque à gagner pour les finances publiques n’est pas vraiment quantifiable, mais l’on peut s’interroger sur la création de cette niche fiscale élargie à l’heure où le gouvernement entend réduire par tous les moyens les mécanismes de « contournement » de l’impôt.
L’efficacité de cette mesure dans le cadre de l’objectif qui lui a été assigné pose également un problème : à l’heure actuelle et pour le Livret A, ce ne sont pas de moyens dont manque la puissance publique pour financer le logement social, mais de projets face à la pénurie de terrains à bâtir. Plusieurs dizaines de milliards d’euros sommeillent ainsi, en manque d’attribution. En ce qui concerne l’objectif assigné au LDD, nous remarquons que le financement des PME et autres entreprises innovantes n’est plus évoqué par le gouvernement... Voyez-vous, ces placements sont considérés comme populaires (et qu’importe que 15 % des livrets concentrent 80 % des encours...) et à l’heure de la communication tous azimuts, de tels éléments suffisent à constituer une politique publique.
Par ailleurs, et cette fois du côté de « ce que l’on ne voit pas », pour reprendre la célèbre formule de Frédéric Bastiat, plusieurs faits se doivent d’être rappelés. Les sommes déposées par tout un chacun sur son Livret A ne sont pas conservées par les banques mais transférées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). De fait, un transfert de tout ou partie de l’épargne des Français vers le Livret A va réduire les dépôts des banques de réseaux et les fragiliser un peu plus à l’heure où de nouvelles normes internationales plus contraignantes (dites « Bâle III ») vont être mises en place. L’agence de notation Moody’s indique ainsi à ce sujet : « la réforme en cours fragilise les grands réseaux français qui auront plus de mal à augmenter leurs dépôts ». Voici donc deux visions de la société qui s’opposent : d’un côté le gouvernement qui estime être le mieux placé pour employer l’épargne des Français (nous pouvons raisonnablement en douter...), de l’autre les banques qui rappellent que leur métier consiste à « transformer » des dépôts en crédits à destination de l’économie. La cohabitation qui existait jusque-là entre ces deux circuits risque de ne plus être de mise longtemps maintenant que les dépôts s’apparentent à une ressource rare. Seul problème, nos hommes d’Etat peuvent modifier la loi à leur guise, ce qui plonge les établissements bancaires dans une certaine insécurité.
Enfin, nous noterons que cette mesure porte un (nouveau) coup dur à l’épargne dite « longue » qui finance l’économie. La progressivité de la hausse du plafond du Livret A avait ainsi été demandée par les banques, mais chaque relèvement de ce dernier risque d’accentuer l’hémorragie dont souffre l’épargne longue. Comme le soulignait une ancienne ministre du gouvernement Fillon, peu prolixe sur le sujet tandis que le gouvernement auquel elle appartenait multipliait les mauvais coups contre le placement en actions, « les Français vont être incités à investir dans le livret A au lieu d’investir en actions, dans le financement de nos entreprises ». Or, « c’est dans les entreprises que se créeront les emplois durables ». L’annonce de la création de 150 000 emplois d’avenir (sic) dans le secteur non-marchand montre que le gouvernement n’a toujours pas pris conscience de cette réalité.
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