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Devises : rien ne va plus... (rédigé le 15/10/2010)
(13/10/2010) À l’issue de la réunion du G20 puis de celle du G7 qui se sont tenues le week end dernier à Washington, une conclusion s’impose : une guerre des changes, qui ne veut pas dire son nom, est lancée. Un texte de compromis a certes été publié pour appeler le Fonds monétaire international à renforcer sa surveillance des monnaies. Il ne fait toutefois que confirmer le sentiment des observateurs, à savoir qu’aucun des poids lourds économiques de la planète n’est prêt à s’engager dans une coopération internationale visant à stabiliser ou rééquilibrer les taux de change. Aucune action concertée des banques centrales n’est en effet prévue. Dans ces conditions, une guerre « larvée » prend forme.
La zizanie monétaire
Les dernières semaines ont tout d’abord vu les Etats-Unis et l’Europe accentuer la pression sur Pékin pour que les autorités chinoises laissent le yuan s’apprécier face aux autres monnaies. Sans succès. La Chine estime qu’il est encore trop tôt pour réévaluer sensiblement sa devise, de surcroît dans un environnement mondial marqué par une faible croissance en Occident. La source du dynamisme chinois reste la compétitivité des produits fabriqués dans l’ex-Empire du Milieu. La consommation intérieure n’a pas encore pris le relais et le pouvoir en place ne souhaite pas tenter de pari sur ce front. De leurs côtés, les pays émergents fustigent l’Europe et les Etats-Unis pour leur politique monétaire laxiste qui conduit à un afflux de liquidités sur leurs marchés et leurs devises, conduisant ainsi à l’appréciation de celles-ci. De même, le Japon et l’Europe se plaignent de la faiblesse du dollar. L’Archipel est incapable d’enregistrer une croissance économique durable depuis près de vingt ans, vit essentiellement de ses exportations et affiche un endettement supérieur à 270 % de son produit intérieur brut. Le yen a pourtant inscrit un plus haut de quinze ans face au dollar. Quant à l’euro, il a effacé les deux-tiers des pertes enregistrées dans le sillage de la crise grecque alors même qu’une dévaluation de la devise européenne était bien accueillie par certains économistes qui y voyaient une planche de salut pour l’économie du Vieux Continent. Enfin, nous noterons qu’au sein même de l’Union, des divergences se font jour entre la France et l’Allemagne. Cette dernière reste en effet partisan d’une devise forte, ses exportations restant peu sensibles aux fluctuations de l’euro, contrairement à la France.
Le risque du protectionnisme
Alors que la zizanie gagne du terrain, les dirigeants politiques s’affolent et risquent de céder à la tentation du protectionnisme, une solution efficace pour remonter dans les sondages mais destructrice de valeur pour l’ensemble de la planète. D’ores et déjà, le Japon et la Suisse sont intervenus, en solitaire, pour freiner l’ascension de leur monnaie. Le Brésil, la Corée du Sud et la Pologne ont mis en place des mesures de contrôle des changes (les transactions sur les devises étrangères sont limitées pour les ressortissants du pays). L’Inde devrait suivre le mouvement tandis que la Chambre des représentants a voté une loi ouvrant la voie à la mise en place de barrières douanières aux États-Unis en riposte à la sous-évaluation du yuan, perçue comme une subvention déguisée.
La volatilité et les mouvements décorrélés des fondamentaux enregistrés sur le marché des changes trouvent leur source dans l’excès de liquidités. La base monétaire a progressé de 18 % par an en moyenne depuis 1996... Pourtant, les banques centrales, encouragées par les gouvernements, persistent dans ce sens. Sans résultat sur la croissance, de surcroît.
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