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Un krach jamais vu (rédigé le 18/03/2020)
La semaine a été particulièrement éprouvante, par-delà les considérations financières qui nous importent ici même. L’extension continue de l’épidémie de coronavirus est avant toute chose une crise sanitaire, d’une ampleur inégalée depuis près d’un siècle. Nous ne pouvons passer sous silence cette réalité. Comme tous, nous espérons que son issue est proche et que les décès resteront autant que possible limités.
Pour l’heure, le nombre de nouveaux cas continue toutefois de croître dans certains pays, ce qui a conduit plusieurs gouvernements à réduire les déplacements et l’activité économique afin de freiner la pandémie. Ainsi, à la suite de l’Italie et de l’Espagne, la France a mis en place des mesures de confinement inédites dans son histoire. Aux Etats-Unis, qui ont été touchés plus tardivement que le Vieux Continent et la Chine, "berceau" du virus covid-19, des villes aussi emblématiques que New York et Los Angeles tournent désormais au ralenti. Le tourisme est au point mort et les avions restent cloués au sol. D’un point de vue économique donc, puisque c’est ce sujet qui nous emploie ici, il s’agit là encore d’une catastrophe, laquelle n’avait été anticipée par personne et ne pouvait l’être.
Au cours de la semaine passée, les marchés se sont donc écroulés dans un accès de stress totalement inédit : le VIX, que nous évoquons souvent ici, atteignait un sommet inédit à 80 pts tandis que la jauge de l’indice CNN Fear and Greed (peur et avidité) se décalait sur la gauche à des niveaux jamais vus. Pour le CAC40, que nous prenons ici pour exemple, le recul en seulement cinq jours ressort à près de 800 pts, soit -18%. Depuis son sommet touché le 19 février à 6 111,41 pts, il abandonne -36%, en quasi-ligne droite. Il s’agit d’une situation exceptionnelle.
Dans cette baisse, rappelons-le jamais vue, aucun secteur n’a été épargné, même si le compartiment pétrolier continuait de boire la tasse en raison de la décision saoudienne (voir PU # 2894 / page 1) qui s’avère aussi incompréhensible que délétère. Le baril de pétrole WTI chutait ainsi sous 30 $, au plus bas depuis 2016.
Une certaine homogénéité était d’ailleurs de mise entre grandes et petites valeurs. En effet, les opérateurs se sont séparés de leurs titres sans distinction ni mesure, aveugles aux fondamentaux et toujours aussi peu concernés par le potentiel de rebond de leurs actions en cas d’amélioration sanitaire globale.
Il est vrai que personne ne sait encore dans quelle mesure les chiffres d’affaires seront affectés. Mais de toute évidence et compte tenu de l’arrêt total de certaines économies nationales, l’impact du covid-19 va être significatif. Quelques entreprises ont commencé à communiquer à ce sujet (Air France-KLM, ADP, Accor pour la France). Toutefois, les marchés leur font peu de crédit à l’heure actuelle.
Dans cet emballement "baissier" qu’ont connu les indices, il convient ici de noter l’importance de la décision du Président américain de fermer son territoire à tous les vols en provenance d’Europe. S’il est difficile de juger de l’opportunité d’une telle annonce, cette dernière a fait basculer un peu plus le sentiment de marché en mode "panique" : le pire est sans doute encore à venir, ont alors estimé les investisseurs.
Par la suite, et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, la Présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a inauguré son mandat en commettant une bévue au regard des attentes angoissées des marchés. En effet, Christine Lagarde s’est contentée d’annoncer un renforcement des rachats de dette publique et surtout privée, sans abaisser les taux d’intérêt. Ce type de précaution s’explique d’un point de vue économique (les taux sont déjà à zéro et les banques centrales ne peuvent "tout" faire, comme nous l’avons d’ailleurs sans cesse écrit), mais nous n’étions plus déjà dans le domaine du rationnel chez les investisseurs, animés par les esprits et pulsions animales chères à Keynes.
Sur l’annonce de Christine Lagarde, qui depuis a émis une sorte de mea-culpa, les taux de rendement de la dette italienne se sont tendus , tout comme ceux de l’Espagne, du Portugal et de la France (l’OAT repartait en territoire positif à 0,118%, contre -0,454% quelques jours auparavant). Les marchés semblaient rejouer là l’ébauche d’une tension sur les dettes souveraines des "pays du Club Med" dont nous conservons sans doute tous un amer souvenir.
Pour autant, la BCE a également et opportunément annoncé un relâchement "temporaire" des exigences de fonds propres pour les banques ainsi que le report des tests de résistance à l’an prochain. De l’autre côté de l’Atlantique, la Réserve fédérale est restée sur le pont, fidèle à son engagement pro-marchés. Dans un premier temps, elle a ainsi annoncé vouloir injecter 1 500 Mds $ supplémentaires sur le compartiment monétaire en l’espace de quelques jours. Puis, parce qu’elle n’était pas parvenue à vaincre les réticences des opérateurs, elle décidait de frapper un grand coup le dimanche 15 mars.
En effet, la banque centrale américaine a fait état d’une baisse surprise (et en dehors du calendrier habituel de ses réunions) de 100 points de base des "Fed funds", ce qui les ramenait entre 0% et 0,25%. Les règles prudentielles exigées des établissements financiers étaient également assouplies, tandis qu’une action concertée avec plusieurs de ses homologues visait à assurer la disponibilité de liquidités en dollars.
Malgré cette implication des institutions monétaires et le recul déjà très conséquents des indices sur les dernières séances, les marchés ouvraient lundi 16 mars sur un nouveau décalage "baissier". Il est vrai que la publication de plusieurs statistiques laissaient entrevoir un avenir sombre à l’économie mondiale. En Chine, et pour les deux premiers mois de l’année, la production industrielle a flanché de -13,5%. Il s’agit là de la première contraction de cet indicateur depuis 1990. Sur la même période, les ventes de détail ont chuté de -20,5% dans l’ex-Empire du Milieu. En Europe cette fois, le commissaire Thierry Breton évoquait pour la première fois une entrée en récession. Aux Etats-Unis, c’est Goldman Sachs qui a annoncé avoir abaissé sa prévision de croissance. La banque d’affaires table désormais sur une contraction du PIB de -5% au 2ème trimestre pour la 1ère économie mondiale. Voilà qui d’évidence n’était pas en mesure de rassurer les investisseurs. Ces deniers restaient d’ailleurs sourds aux éléments positifs venant de pays ayant passé le cap de l’épidémie.
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