Chine, Inde : quelles perspectives pour les « grands » émergents ?

Chine, Inde : les géants du monde émergent

Dans le cadre de nos points stratégiques pour l’exercice 2025, égrainés dans nos derniers numéros, nous revenons cette semaine sur les deux principaux marchés émergents au monde. Alors que ces pays ont connu des trajectoires opposées au cours des trois dernières années, quelles perspectives se dessinent désormais pour la Chine et l’Inde ? 

Des annonces insuffisantes de la part du pouvoir chinois

Quand la Chine se réveillera-t-elle ? Cette question n’a de cesse d’être posée. Si les autorités locales semblent avoir (enfin) compris que quelque chose ne tournait pas rond dans l’ex-Empire du Milieu, après une gestion catastrophique de l’épidémie de covid et de trop nombreux trimestres de dénégation, elles se sont pour l’heure contentées, tout au long de l’automne, d’annoncer des réformes imprécises, qui plus est en les « feuilletonnant ». Or la seule volonté, même énoncée de manière martiale, ne fait pas une politique et ne peut donc prétendre à de réels résultats. Ainsi, les dernières statistiques publiées en Chine n’ont pas enregistré d’inflexion significative. Un léger mieux est à noter, mais celui-ci pourrait n’être que conjoncturel (« préparation » du nouvel an). Le Produit intérieur brut (PIB) au titre de 2024 est ressorti au-dessus des attentes (+4,9%) et tout juste au niveau des +5% « planifiés » par le Président Xi Jinping. Le 4ème trimestre s’est avéré un peu plus dynamique qu’escompté (+5,4% sur un an après +4,6% au 3ème trimestre), ce qui a été perçu comme seulement satisfaisant.

L'immobilier, un effet de richesse négatif

La crise de l’immobilier – à l’origine de la plupart des maux dont souffre le pays – s’avère toujours de mise. Les promoteurs restent en danger (Country Garden, Evergrande et récemment Vanke), mais on notera une légère et bienvenue stabilisation du prix des nouveaux appartements en décembre. Dans ce domaine, les autorités ont fait acte de volontarisme : les taux d’intérêt des prêts immobiliers en cours ont été baissés et le plafond de la dette des collectivités locales a été augmenté. Mais le mal reste profond et pénalise la consommation en raison de l’effet de richesse négatif induit par le recul des prix de l’immobilier (encore -5,3% sur un an pour les appartements neufs en décembre 2024 dans le cadre d’un recul débuté en mai 2022). De fait, Pékin était attendu sur des soutiens directs à la consommation… qui font toujours défaut. En 2024, celle-ci n’a progressé que de +3,5%, contre +7,2% en 2023, ce qui témoigne du manque d’appétit des ménages. Avec pour conséquence, une baisse des prix et le report des achats. Alors que l’inflation est encore un sujet aux Etats-Unis comme en Europe, c’est  la crainte d’une entrée en déflation qui inquiète ici alors que l’indice des prix à la consommation pointait à seulement +0,1% en décembre 2024. Silencieux – ou presque – en ce qui concerne les stimuli à mettre en place (Xi Jinping a pourtant annoncé vouloir lancer une politique budgétaire « plus proactive »), le pouvoir central semble vouloir continuer à favoriser l’industrie manufacturière, malgré des signes de surproduction. Ainsi, les exportations chinoises ont bondi de +7% en valeur sur l’année passée. A l’heure où Donald Trump entend relancer la guerre commerciale via l’instauration de droits de douane additionnels, ce cap semble bien incertain. On notera toutefois que la Chine se tourne de plus en plus vers les marchés émergents pour renforcer ses perspectives économiques, notamment face à l’Inde.

Des annonces sur la consommation intérieure restent attendues et susceptibles de redonner de l’allant aux Bourses locales. Du côté des marchés d’ailleurs, et par-delà la question de l’Intelligence artificielle (IA) liée à l’irruption de DeepSeek, du mieux est à noter. Les investisseurs attendent toutefois que Xi Jinping passe des paroles aux actes. Et que ceux-ci se lisent dans les statistiques. Nous restons investis sur cette thématique, principalement via nos Favorites que sont les ETF  Amundi MSCI China et Amundi PEA Emerging MSCI Asia (44,6% d’actions chinoises). Dans les Opportunités, nous sommes positionnés sur Alibaba qui a marqué récemment des points dans le cloud et l’IA. Enfin, nos Favorites LVMH, L’Oréal et Pernod Ricard sont toutes les trois très sensibles à l’évolution de la conjoncture chinoise.

L'Inde a attiré les capitaux étrangers

Les déboires de la Chine ont été positifs concernant l’Inde, pour ce qui est des investissements directs dans le pays, comme en a attesté le véritable tropisme indien des géants de la technologie. La Bourse locale en a profité largement, jusqu’à l’excès pour peu que l’on s’intéresse aux valorisations. Le mouvement presque moutonnier des investisseurs ne s’est pas opéré totalement dans le vide, pour autant. Le pays dispose d’importants atouts et sa croissance a décollé dans le cadre d’une transformation structurelle de son économie, portée par les infrastructures physiques (dans le cadre d’investissements publics) comme digitales et une hausse de la consommation des ménages.

Reflux attendu de la croissance

L’investissement commence toutefois à ralentir et contribue moins au dynamisme économique du pays, ce qui devrait conduire la croissance du PIB à retrouver son potentiel, estimé entre +6% et +6,5% par an (contre +8,6% encore récemment). Ce niveau semble insuffisant pour créer les emplois nécessaires à l’absorption des nouveaux entrants sur le marché du travail. Les prêts des banques reculent d’ailleurs depuis six mois selon les données de la banque centrale. Sur le front des prix, l’inflation reste « contenue » (+5,2% en décembre), avec pour conséquence un léger rebond de la consommation privée (+1% au 3ème trimestre de l’exercice passé, après une contraction sur les deux périodes précédentes). « Les perspectives économiques de l’Inde pour l’année fiscale 2026 sont équilibrées. Les vents contraires à la croissance comprennent de fortes incertitudes géopolitiques et commerciales et des chocs possibles sur les prix des matières premières », a d’ailleurs déclaré le ministère des Finances.

La banque centrale laisse filer la roupie

Le budget annuel, présenté par le Président Modi, a retenu à cet égard toute l’attention. Des soutiens à la consommation ont été annoncés à travers une baisse des impôts. Le changement de ton de la banque centrale (RBI), qui entend désormais laisser filer la roupie face au dollar, constitue une rupture radicale qui pourrait conduire à déstabiliser les investisseurs. Le but recherché est de soutenir les exportations et ainsi d’entraîner l’économie du pays (toute ressemblance avec la Chine…). Au risque cependant de relancer l’inflation via les importations, plus spécialement de gaz et de pétrole.

Le pays reste peu développé et rural, les oppositions entre groupes sociaux et religieux demeurant en outre explosives. Alors que l’Inde ralentit, une amélioration, même lente, des perspectives de la Chine risque de conduire les investisseurs à quitter la Bourse indienne en recherche d’une meilleure rentabilité. Nous sommes sous-investis via l’ETF Amundi PEA Emerging MSCI Asia (13,60% d’actions indiennes).

 

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